ANTICIPER POUR NE PAS SE FAIRE PIÉGER PAR LA GROSSE DÉPRESSION À VENIR
03 décembre 2024
Vendée Globe
Depuis le passage de la longitude du Cap des Aiguilles, juste après Bonne Espérance, Nicolas Lunven et ses adversaires évoluent dans l’Océan Indien, l’une des zones de navigation réputées les plus difficiles sur ce parcours du Vendée Globe. Les trois premières journées dans l’Indien se sont passées plutôt sereinement, mais dès aujourd’hui, la situation va changer et les solitaires vont commencer à sentir les effets d’une dépression très creuse qui est en train de les rattraper.
C’est donc avec un regard dans le rétroviseur que Nicolas Lunven fait progresser Holcim-PRB dans les 40e rugissants. 5e de la flotte, il a perdu un peu de terrain sur les leaders Charlie Dalin et Sébastien Simon qui foncent droit dans l’est alors que Nicolas a choisi de se décaler dans le nord. Un choix de route murement réfléchi et qui vise la sécurité plutôt que la prise de risques. « Il y a une très grosse dépression qui est en train d’arriver par derrière, de l’ouest. Elle va nous rattraper et balayer toute la zone des Kerguelen. Quand elle va arriver à mon niveau, elle va se creuser sérieusement et être bien copieuse. Le centre de cette dépression est assez nord. Si tu te retrouves piégé juste devant le centre de la dépression, ou pire, dans le sud, ce serait du vent de nord-est voire est. Ça sera donc au louvoyage. Et dans la traine de la dépression, ça se creuse très fort. Il y a des vents jusque 50 à 60 nœuds. Ça lève une mer sympathique ! Sur les fichiers de vagues, on a des 8 à 9 mètres de vagues ».
La description que fait Nicolas des conditions à venir fait froid dans le dos. Avec sa position au nord, il devrait éviter le plus gros du vent et de la mer quitte à rallonger la route. « Sur le papier, ce n’est pas forcément une route gagnante, c’est plutôt une route où on échappe à la dépression mais au moins, je ne voulais pas me retrouver dans une situation où je subis la dépression. Avec cette position nord, ça me permet si je le souhaite de gagner encore plus dans le nord pour m’échapper du vent ou de la mer plus forte. Je trouvais que cette dépression méritait de regarder ça avec attention. Je vais naviguer dans des conditions certes engagées mais je l’espère maniables et qui me permettent de faire avancer correctement le bateau par rapport à des bateaux qui iraient se faire malmener dans le cœur de la dépression avec un risque de casse. Surtout, il y a le risque de ne pas pouvoir manier ton bateau comme il le faut et donc, au final, de faire une route qui ne s’avère pas si gagnante que ça » explique le skipper d’Holcim-PRB qui évolue toujours bord à bord avec Charal, lui aussi partisan du nord.
Dès le milieu de journée, le vent devrait se renforcer. En avant de la dépression, c’est sur une mer plate que l’IMOCA vert et bleu pourra filer à vive allure avant de rentrer véritablement dans le vif du sujet. « Au début ça devrait être sympa car tout le bord bâbord amure qui nous emmène vers le nord-est. Mais quand on va empanner et refaire du sud-est pour redescendre sur le parcours du Vendée Globe, on va devoir arbitrer entre la force du vent et l’état de la mer » précise Nicolas.
À l’avant de la flotte, les bateaux évoluent dans des conditions différentes et on fait une autre analyse pour leurs choix stratégiques. « Je vois bien que dans le groupe, les premiers avec MACIF et Dubreuil sont partis plein sud. Paprec Arkea n’est pas loin. Mais Vulnérable n’a pas réussi à attraper le train des trois premiers donc il est un peu arrêté dans la molle. Il fait plutôt du nord. Moi, j’ai préféré faire ce choix-là tôt pour ne pas me retrouver coincé juste devant cette dépression qui est quand même bien forte » explique Nicolas qui a pris le temps, hier, de faire une vérification complète de son bateau.
La sérénité qu’il affiche depuis le départ ne le quitte pas. Il a parcouru 7 300 milles depuis le coup d’envoi des Sables d’Olonne, plus de 16 000 restent à courir. Rien de surprenant donc à vouloir apporter un peu de sagesse dans la gestion de ce Vendée Globe qui va connaitre dans quelques heures son premier vrai coup de vent.