PROFITER DU COULOIR D'ACCÉLÉRATION AVANT LE PASSAGE DU POT-AU-NOIR
19 novembre 2024
Vendée Globe
C’est avec la tête hors du cockpit que Nicolas nous parlait ce matin. Observant le magnifique lever de soleil dans l’ouest du Cap Vert, le skipper d’Holcim-PRB profite…et respire l’air iodé. Un poisson volant est venu se loger dans un endroit inaccessible, le trou de passage des drisses, et répand une odeur nauséabonde dans le cockpit. Impossible d’y échapper alors Nico prend l’air régulièrement ! C’est aussi pour lui le moyen de surveiller les nuages.
Hier, la journée s’est écoulée lentement. L’IMOCA vert et bleu a dû traverser une zone sans vent. Et dans ces conditions, l’observation vaut parfois mieux que les cartes et les prévisions. « Dans ce type de conditions légères, suivre un routage à la lettre n’a pas forcément de sens. Donc nous regardons évidemment les fichiers de vent pour essayer de deviner où il est et choisir le meilleur endroit pour traverser des zones calmes comme actuellement. On regarde aussi les images satellites pour essayer de deviner où sont les zones avec les nuages, les grains, … Et on regarde beaucoup dehors pour essayer de comprendre ce qui se passe à court terme, observer l’évolution des nuages pour soit les éviter, soit essayer d’en profiter quand on peut le faire. Ça c’est possible quand le bateau bouge encore un peu. Quand le bateau ne bouge plus, malheureusement, on ne peut plus rien faire… Il n’y a plus qu’à attendre » explique Nicolas.
7e d’une flotte menée par Jean Le Cam, positionné dans l’est du Cap Vert, le skipper d’Holcim-PRB prend en effet son mal en patience. Il sait qu’aujourd’hui, il devrait retoucher du vent pour lui permettre de continuer à progresser vers le sud. Il faudra tirer le meilleur de cette glisse dans les alizés car elle sera de courte durée. Dès demain, Nicolas et ses adversaires de tête devront relever un nouveau challenge : la traversée du Pot au Noir. Sa position, déjà très ouest, devrait lui être favorable pour trouver le trou de souris lui permettant de se faufiler dans cette zone de vents erratiques et difficilement prévisibles. « Je commence à regarder le Pot au Noir. On arrive déjà dans une position assez ouest. Normalement, tout le jeu pour passer le Pot au Noir est de gagner dans l’Ouest des Canaries ou du Cap Vert. Habituellement, plus on le passe dans l’ouest, plus il est étroit et facile à traverser. Mais finalement, la stratégie des derniers jours nous a emmenés tellement dans l’ouest, qu’il n’y a plus vraiment à faire de gain dans l’ouest. Ça nous simplifie un peu les choses. Je regarde la tête qu’il a sur les images satellites et puis on verra bien… » raconte Nicolas d’une voix toujours aussi calme.
Dans les heures qui viennent, les routes des leaders pourraient donc converger. À l’est, Jean Le Cam incurve sa route pour gagner dans l’ouest. Nicolas garde un œil sur la trajectoire du skipper du bateau à dérives même s’il pense être mieux positionné pour se tirer des griffes de la zone de convergence intertropicale. « Concernant la position de Jean Le Cam, elle est assez intéressante. C’est une option qui existait. Pour moi, avec le groupe de bateaux avec lesquels j’étais et la situation météo, ce n’était pas forcément l’option la plus évidente. Mais Jean était déjà un peu décalé, un peu derrière. C’était plus ouvert pour lui et pour d’autres bateaux. Il a eu sans doute bien raison. Par contre, Il se retrouve à passer à l’est de l’archipel du Cap Vert et maintenant, tout le jeu va être de gagner dans l’ouest à fond pour trouver son point de passage du Pot au Noir. Cela va certainement se faire au portant VMG, à faire des empannages. Donc ce n’est pas ce qu’il y a de plus rapide. Maintenant, Jean est évidemment un grand navigateur. Il est très malin. Ce n’est pas au vieux singe que je vais apprendre à faire la grimace » s’amuse Nicolas, grand ami de Jean avec lequel il a même navigué en double lors d’une Transat AG2R.
Le skipper d’Holcim-PRB a installé son rythme à bord. Même si la navigation a été tonique depuis le départ, il a réussi à gérer parfaitement son sommeil et son alimentation. Il prend aussi le temps de contempler l’environnement qui l’entoure comme hier soir alors qu’il passait au large de Madère. « Depuis le départ, nous n’avons fait que du portant. C’est bien sympa ! je suis passé à côté de Madère hier soir. Je n’étais vraiment pas loin, c’était super chouette de voir la masse dans la nuit avec toutes les lumières de l’île. En plus, nous avons de belles nuits avec la pleine lune. Ce serait bien qu’on ait de belles journées aussi car je ne vois que des nuages le jour. Le moral est bon, tout va bien à bord » décrit-il enthousiaste avant de préciser « Je suis en short et T-shirt. Nous sommes bien dans les alizés ».
Deuxième au classement de 12h00 à seulement 8 milles du tableau arrière de Paprec Arkea, Nicolas Lunven est là où on l’attendait, c’est-à-dire en prise directe avec les cadors de la classe IMOCA comme Yoann Richomme, Thomas Ruyant, Jérémie Beyou, Sam Goodchild ou encore Charlie Dalin. Le mode « régate autour du monde » est bel et bien activé et ce Vendée Globe s’annonce fascinant. Vincent Riou, vainqueur du Vendée Globe 2004 sous les couleurs de PRB et observateur avisé de la course que mène Nicolas depuis le départ, apprécie particulièrement ce lancement du tour du monde : « le combat est magnifique ! ».