LE CAP LEEUWIN DANS LE SILLAGE
12 décembre 2024
Vendée Globe
Les conditions de vie sont un peu plus faciles à bord d’Holcim-PRB et avec elles, Nicolas Lunven retrouve sa jovialité. « Il ne fait pas chaud. Mais les conditions de navigation sont plus sympas. Les jours précédents, nous avions une mer courte et hachée. C’était hyper dur de vivre sur le bateau mais depuis hier ça va mieux » explique le skipper depuis le cockpit de son IMOCA.
Hier à 12h05 (HF), il a franchi le deuxième cap de ce Vendée Globe, le Cap Leeuwin à la pointe sud-ouest de l’Australie. Depuis, il profite d’un vent oscillant entre 18 et 25 nœuds pour faire avancer vite son bateau non loin de la limite des glaces. Cette navigation agréable devrait durer plusieurs heures avant qu’Holcim-PRB ne soit fortement ralenti par une dorsale anticyclonique qui est en train de le rattraper par derrière. Les trois marins de tête, Charlie Dalin, Sébastien Simon et Yoann Richomme pourraient réussir à échapper à cette zone de vent faible et à prendre la poudre d’escampette. Derrière eux, les adversaires vont devoir cravacher pour espérer se faufiler et garder le maximum de vent possible. Thomas Ruyant, qui évolue un peu isolé, à mi-chemin entre les leaders et le groupe auquel appartient Nico tente de maintenir le speedomètre assez haut pour échapper aux griffes de cette zone sans vent. Il a encore bon espoir d’y arriver et constate que « dans le grand sud, tout le monde navigue pied au plancher ».
Malheureusement, pour Nicolas et Jérémie Beyou, avec lequel il évolue toujours de concert, la porte pourrait bien se refermer. « Jérémie est un peu devant, il nous a largué hier, je ne sais trop comment il a fait. Derrière nous, on a Sam Goodchild, Paul Meilhat et Yannick Bestaven pas loin derrière. Dans quelques jours, on va devoir gérer une zone de transition avec une dorsale anticyclonique qui va nous rattraper au sud de la Tasmanie. Ce sera probablement samedi » détaille Nicolas qui garde donc un œil sur ce groupe de poursuivants. Aller le plus vite possible dans le flux de sud-ouest actuel reste pour l’instant l’enjeu. Il faut maintenir la distance avec ceux de derrière qui risquent bien d’être avantagés dans les conditions à venir et qui ne laisseront pas passer l’opportunité de fondre sur le duo Lunven / Beyou. Sur ce coup-là, il se peut que Nicolas comme Jérémie soient les moins récompensés de leurs efforts. Perte de terrain sur le groupe de tête et retour des poursuivants, le menu de cette fin de semaine pourrait avoir du mal à passer à moins d’une évolution météo favorable et d’un trou de souris qui se dessine. Réponse d’ici 36 heures…
En attendant, Nicolas recharge les batteries après plus d’un mois de mer. Il apprécie le comportement d’Holcim-PRB dans les conditions difficiles de l’océan Indien et recommence à pouvoir dormir et s’alimenter de manière plus régulière après plusieurs jours passés à faire des sauts de cabri depuis son siège de barre. « Tout va bien à bord, je n’ai pas de souci avec le bateau… Pourvu que ça dure ! J’arrive à bien me reposer et à bien m’alimenter. C’est important notamment quand il fait froid comme en ce moment. Il faut pouvoir se requinquer avec un bon petit plat ».
On comprend, vu les conditions, que l’éternel optimiste s’agace un peu surtout que son choix de route au nord n’a pas eu les effets escomptés. En tête de flotte, Charlie Dalin a passé hier le deuxième cap de ce Vendée Globe, le cap Leeuwin. Le leader possède 180 milles d’avance sur son premier poursuivant et près de 700 milles sur Holcim-PRB. L’écart est impressionnant et tous les efforts menés avec ardeur par Nicolas ont été mal récompensés ces derniers jours. « J’aimerais bien être un peu plus en tête de flotte que ça ! La déception, c’est que j’ai fait le tour de la grosse dépression qui est passée, parce qu’avec le timing qu’on avait c’était impossible de rester devant, et je n’étais pas censé perdre autant ! Ça a été un mauvais enchaînement, on n’a pas eu les conditions que l’on espérait, on a perdu pas mal de terrain. Nous aurions dû rester à peu près dans le match avec Yoann Richomme et Thomas Ruyant, et là on est clairement derrière. Et le petit groupe Sam Goodchild, Paul Meilhat et Yannick Bestaven nous est même revenu dessus ! Donc pas terrible notre histoire… » analyse Nicolas.
Pourtant, le solitaire est pleinement dans le match et ne relâche pas l’attention. Il a d’ailleurs repris du terrain ces dernières 24 heures et rattrapé près de 130 milles sur le leader. Surtout, il sait que ces mers du sud peuvent réserver bien des surprises alors il reste aux aguets. « Ce n’est pas fini ! Ce n’est pas qu’il peut, c’est qu’il va encore se passer plein de choses, donc il faut rester à l’attaque, c’est mon état d’esprit ! » expliquait-il ce matin. Demain en milieu de journée, Nicolas pourra se réjouir de franchir lui aussi le cap Leeuwin et poursuivra sa route dans le sud de l’Australie à bord d’un bateau toujours intact. Devant, le rythme effréné n’épargne pas les bateaux. Sébastien Simon, actuellement deuxième, progresse depuis dimanche avec un foil tribord cassé.