EN PLEIN DANS LA DÉPRESSION
05 décembre 2024
Vendée Globe
C’est toujours en avant de la dépression, dans du vent d’une vingtaine de noeuds que Nicolas Lunven a avancé toute la journée. Pour l’instant, la mer reste maniable même si les vidéos reçues du bord montrent que le skipper d’Holcim-PRB doit se tenir en permanence pour éviter les vols planés. 6e, quelques milles derrière Jérémie Beyou, il poursuit son ascension de l’océan Indien par la voie nord de cette dépression qui se déplace vers l’est et qui va malmener les skippers du groupe de tête encore pour les 36 heures à venir. En effet, quand ce système de basse pression sera passé sur le monocoque bleu et vert et sur ses plus proches adversaires, la mer sera très formée. Pour Nicolas, il s’agira d’ajuster le meilleur moment pour remettre cap vers le sud en évitant le plus gros de ces vagues casse-bateau.
En avant de la flotte, rien ne semble atteindre Charlie Dalin et Sébastien Simon qui tiennent la cadence, sur une route plus sud et toujours en avant de la dépression eux aussi. Les deux leaders ont choisi de prendre des risques et la stratégie pourrait s’avérer gagnante. En résumé, soit ils se font rattraper par la dépression et devront gérer des conditions de vent et de mer dantesques, soit ils arrivent à s’échapper et ils pourraient, dans ce cas, se mettre véritablement à l’abri des assauts de leurs concurrents sur la route du cap Leeuwin. Macif possède pour l’instant plus de 400 milles d’avance sur le troisième Yoann Richomme. À bord d’Holcim-PRB, l’humeur est toujours au beau fixe même si Nicolas avoue avoir été occupé à faire quelques réparations hier et aujourd’hui. Les bulles de son cockpit qui lui permettent de surveiller ses voiles et d’avoir une vue vers l’avant du bateau se sont fissurées coup sur coup. Il a dû passer pas mal de temps à trouver la solution la plus fiable possible pour tenter de maintenir son cockpit au sec. Et c’est encore une fois avec humour qu’il dresse le bilan de la situation même si cette opération lui a fait perdre pas mal de milles : « Je ne sais pas si je vais être pris à l’école Boulle (école des métiers d’art) grâce à ma réparation mais pour le moment ça tient ».
Après avoir passé plusieurs heures sur ce sujet, il a toutefois trouvé le réconfort dans son sac de nourriture où étaient cachés des cadeaux pour son anniversaire qu’il fêtait déjà il y a quelques jours, le 28 novembre… L’occasion pour le marin de taquiner son équipe à terre : « Figurez-vous que je suis hyper gâté car je vais fêter mon anniversaire une deuxième fois. J’avais eu quelques appels du pied le 28 novembre car certains, à terre, étaient surpris que je n'aie pas trouvé plus de cadeaux ce jour-là. En fait, ils n’avaient pas été mis dans le bon sac de nourriture ! Donc je les ai trouvés ce matin. 19 + 10, ça ne fait pas 28… Je lance un petit message à celui ou celle qui était en charge de cacher mes cadeaux. Il parait que l’on a l’équipe qu’on mérite donc je ne peux trop rien dire (rire) ». À peine le temps de découvrir ces surprises et Nicolas était déjà reparti régler son bateau. Les heures qui viennent s’annoncent toniques. L’écran du bord affiche d’ailleurs sur les dernières vidéos des nuances oranges et jaunes spectaculaires, comme un signal d’alarme qui clignoterait « danger ». Pas question de relâcher l’attention. Cette zone du parcours est hostile et a d’ailleurs laissé cette nuit Louis Burton sur le bas-côté. Le Malouin est contraint à l’abandon suite à une avarie sérieuse sur son gréément. Il est le deuxième marin à quitter ce Vendée Globe après Maxime Sorel.
Demain, Holcim-PRB passera la longitude du premier cap de ce Vendée Globe, le cap de Bonne Espérance, symbolisant ainsi l’arrivée du monocoque dans l’Océan Indien. Les premiers signaux de l’arrivée dans les mers du sud sont déjà présents. L’eau a perdu plusieurs degrés, le ciel est gris et Nicolas a pu apercevoir son premier albatros ce matin. « Je n’ai pas eu le temps de prendre de photos car j’étais dans la gestion de mon problème d’hydrogénérateur. Mais c’était comme mon cadeau d’anniversaire » a-t-il raconté à son équipe à terre.
La nuit dernière, Nicolas a attendu des conditions de vent plus maniables pour résoudre quelques soucis techniques mineurs : « J’avais deux ou trois petits trucs à faire comme un bloqueur à changer sur le pont à l’avant et un peu de couture car j’ai une gaine électrique qui ne fonctionne pas bien au pied de mât donc je l’ai encore renforcée, et aussi un peu de couture sur une de mes voiles, mon J3 ». Après ce bricolage, il s’est accordé quelques minutes de sieste, mais au réveil il s’est aperçu que son hydrogénérateur, qui lui sert à produire une partie de l’énergie du bord, ne fonctionnait plus. Il a donc ressorti la trousse à outils. Rien de grave en réalité mais il lui a fallu plusieurs heures pour trouver la solution.
Ces quelques bricoles derrière lui, Nicolas a pu se reconcentrer sur la marche de son bateau et chercher à profiter au maximum d’un petit couloir de vent étroit dans lequel évolue aussi Charal. Ce flux va les accompagner jusqu’au début de l’océan Indien. L’objectif pour Nicolas est clairement de maintenir le rythme face à un quatuor de tête (Charlie Dalin, Thomas Ruyant, Yoann Richomme, Sébastien Simon) qui imprime un rythme élevé. Ces quatre-là ne se tiennent qu’en 37 milles. Un corps à corps grisant qui ne laisse aucun répit aux bateaux.